retour

E3 Proposition 39 Scolie

Scolie

Par bien j’entends ici tout genre de joie, comme aussi tout ce qui conduit à la joie, et principalement ce qui contente un désir, quel que soit ce désir. Par mal j’entends tout genre de tristesse et principalement ce qui frustre un désir. En effet, nous l’avons montré ci-dessus (E3p9s) nous ne désirons jamais quelque chose parce que nous jugeons que c’est un bien, mais au contraire nous nommons “bien” ce que nous désirons ; et par voie de conséquence nous appelons ce que nous avons en aversion “mal”. Voilà pourquoi c’est d’après son affect que chacun juge, ou apprécie, ce qui est bon et ce qui est mauvais, ce qui est meilleur et ce qui est pire, et en définitive ce qui est le plus grand bien ou ce qui est le plus grand mal. Ainsi un avare juge que l’abondance d’argent est le plus grand bien, et sa disette le plus grand mal. Mais un ambitieux ne désire rien tant que la gloire et ne redoute rien tant que la honte. Pour un envieux rien n’est plus agréable que le malheur d’autrui, et rien de plus pénible que le bonheur des autres ; et ainsi chacun juge d’après son affect que ‘telle chose est bonne ou mauvaise, utile ou inutile. Au reste cet affect qui met l’être humain dans la disposition de ne pas vouloir ce qu’il veut, ou de vouloir ce qu’il ne veut pas, s’appelle la peur ; et la peur par conséquent n’est rien d’autre chose que la crainte en tant qu’elle dispose un être humain à éviter par un moindre mal un mal qu’il juge devoir advenir (E3p28). Mais si le mal dont on a peur est la honte, cette peur s’appelle alors la réserve. Enfin, si le désir d’éviter un mal à venir est contrarié par la peur d’un autre mal en sorte qu’on ne sache plus ce qu’on préfère, alors la crainte s’appelle l’épouvante, principalement si l’un et l’autre des maux dont on a peur sont des plus grands.


Texte latin

Per bonum hic intelligo omne genus lætitiæ et quicquid porro ad eandem conducit et præcipue id quod desiderio qualecunque illud sit, satisfacit. Per malum autem omne tristitiæ genus et præcipue id quod desiderium frustratur. Supra enim (in scholio propositionis 9 hujus) ostendimus nos nihil cupere quia id bonum esse judicamus sed contra id bonum vocamus quod cupimus et consequenter id quod aversamur malum appellamus; quare unusquisque ex suo affectu judicat seu æstimat quid bonum, quid malum, quid melius, quid pejus et quid denique optimum quidve pessimum sit. Sic avarus argenti copiam optimum, ejus autem inopiam pessimum judicat. Ambitiosus autem nihil æque ac gloriam cupit et contra nihil æque ac pudorem reformidat. Invido deinde nihil jucundius quam alterius infelicitas et nihil molestius quam aliena felicitas ac sic unusquisque ex suo affectu rem aliquam bonam aut malam, utilem aut inutilem esse judicat. Cæterum hic affectus quo homo ita disponitur ut id quod vult nolit vel ut id quod non vult velit, timor vocatur, qui proinde nihil aliud est quam metus quatenus homo ab eodem disponitur ad malum quod futurum judicat, minore vitandum (vide propositionem 28 hujus). Sed si malum quod timet pudor sit, tum timor appellatur verecundia. Denique si cupiditas malum futurum vitandi coercetur timore alterius mali ita ut quid potius velit, nesciat, tum metus vocatur consternatio præcipue si utrumque malum quod timetur ex maximis sit.


Ascendances

Descendances

Références

...



retour