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E3 Proposition 55 Scolie

Scolie

Cette tristesse qu’accompagne l’idée de notre faiblesse, on l’appelle humilité; et la joie qui naît de la représentation de nous-mêmes se nomme amour-propre ou satisfaction de soi-même.
Et comme cette joie se répète à chaque fois que l’être humain se représente ses vertus, autrement dit sa puissance d’agir, il en résulte également que chacun brûle de raconter ses exploits et de étalage de sa force, aussi bien physique que morale, ce qui rend les êtres humains pénibles à supporter les un pour les autres. D’où de nouveau cette conséquence: les humains par nature sont envieux (E3p24s et E3p32s), autrement dit la faiblesse de leurs égaux les réjouit et au contraire leur vertu les attriste. Car chacun, sitôt qu’il imagine ses propres actions, est à chaque fois affecté de joie (E3p53), et d’une joie d’autant plus grande qu’il imagine que ces actions expriment plus de perfection et qu’il les imagine plus distinctement, autrement dit (E3p40s1) qu’il est plus capable de les distinguer des autres et de se les représenter comme des choses singulières. Voilà pourquoi c’est au moment où il se représente en lui quelque chose qu’il nie de tous les autres que chacun goûtera le plus de joie à se représenter soi-même. Mais s’il rapporte ce qu’il affirme de soi à l’idée universelle de l’humain ou de l’animal, il ne se réjouira pas autant; et à l’inverse il s’attristera si, en comparant ses actions à celles des autres, il s’imagine qu’elles sont plus médiocres – tristesse qu’assurément (E3p28) il s’efforcera d’écarter en interprétant de travers les actions de ses égauxet en enjolivant les siennes autant qu’il peut. Il apparaît donc que les êtres humains sont par nature enclins à la haine et à l’envie, nature à quoi vient s’ajouter l’éducation. Car les parents ont coutume d’utiliser le seul aiguillon de l’honneur et de l’envie pour inciter leurs enfants à la vertu. Mais un scrupule suybsiste peut-être: il y a souvent des êtres humains dont nous admirons les vertus, et que nous vénérons. Pour écarter ce scrupule, je vais donc ajouter le corollaire suivant.


Texte latin

Hæc tristitia concomitante idea nostræ imbecillitatis humilitas appellatur; lætitia autem quæ ex contemplatione nostri oritur, philautia vel acquiescentia in se ipso vocatur. Et quoniam hæc toties repetitur quoties homo suas virtutes sive suam agendi potentiam contemplatur, hinc ergo etiam fit ut unusquisque facta sua narrare suique tam corporis quam animi vires ostentare gestiat et ut homines hac de causa sibi invicem molesti sint. Ex quibus iterum sequitur homines natura esse invidos (vide scholium propositionis 24 et scholium propositionis 32 hujus) sive ob suorum æqualium imbecillitatem gaudere et contra propter eorundem virtutem contristari. Nam quoties unusquisque suas actiones imaginatur toties lætitia (per propositionem 53 hujus) afficitur et eo majore quo actiones plus perfectionis exprimere et easdem distinctius imaginatur hoc est (per illa quæ in scholio I propositionis 40 partis II dicta sunt) quo magis easdem ab aliis distinguere et ut res singulares contemplari potest. Quare unusquisque ex contemplatione sui tunc maxime gaudebit quando aliquid in se contemplatur quod de reliquis negat. Sed si id quod de se affirmat, ad universalem hominis vel animalis ideam refert, non tantopere gaudebit et contra contristabitur si suas ad aliorum actiones comparatas imbecilliores esse imaginetur, quam quidem tristitiam (per propositionem 28 hujus) amovere conabitur idque suorum æqualium actiones perperam interpretando vel suas quantum potest adornando. Apparet igitur homines natura proclives esse ad odium et invidiam ad quam accedit ipsa educatio. Nam parentes solo honoris et invidiæ stimulo liberos ad virtutem concitare solent. Sed scrupulus forsan remanet quod non raro hominum virtutes admiremur eosque veneremur. Hunc ergo ut amoveam sequens addam corollarium.


Ascendances

Descendances

Références

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