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E4 Proposition 39 Scolie

Scolie

En quoi cela peut être nuisible ou utile à la mens, ce sera expliqué dans la cinquième partie. Mais il faut remarquer ici que je comprends que le corps meurt quand ses parties sont disposées de telle sorte qu’elles acquièrent entre elles un autre rapport de mouvement et de repos. Je n’ose pas nier en effet que le corps humain, même s’il conserve la circulation du sang et toutes les autres circonstances à cause desquelles on estime que le corps vit, puisse néanmoins se changer en une autre nature totalement différente de la sienne. Car aucune raison ne me force à soutenir que le corps ne meurt que s’il est changé en cadavre ; l’expérience elle-même semble persuader autre chose. Il arrive parfois qu’un homme subisse des changements tels que j’aurais du mal à dire que c’est le même; j’ai ainsi entendu parler d’un poète espagnol qui avait été frappé par la maladie et qui, bien qu’il en ait réchappé, était demeuré cependant tellement sans souvenir de sa vie passée qu’il n’arrivait pas à croire qu’étaient de lui les fables et les tragédies qu’il avait écrites, à tel point qu’on aurait pu tout à fait le tenir pour un adulte nouveau-né s’il avait oublié aussi sa langue maternelle. Et si cela semble incroyable, que dirons-nous des enfants nouveau-nés ? l’homme mûr croit leur nature tellement différente de la sienne qu’il ne pourrait se persuader qu’il ait jamais été nouveau-né s’il ne le conjecturait à partir des autres. Mais pour ne pas fournir aux superstitieux matière à poser de nouvelles questions, je préfère laisser cela de côté.


Texte latin

Quantum hæc menti obesse vel prodesse possunt in quinta parte explicabitur. Sed hic notandum quod corpus tum mortem obire intelligam quando ejus partes ita disponuntur ut aliam motus et quietis rationem ad invicem obtineant. Nam negare non audeo corpus humanum retenta sanguinis circulatione et aliis propter quæ corpus vivere existimatur, posse nihilominus in aliam naturam a sua prorsus diversam mutari. Nam nulla ratio me cogit ut statuam corpus non mori nisi mutetur in cadaver; quin ipsa experientia aliud suadere videtur. Fit namque aliquando ut homo tales patiatur mutationes ut non facile eundem illum esse dixerim, ut de quodam hispano poeta narrare audivi qui morbo correptus fuerat et quamvis ex eo convaluerit, mansit tamen præteritæ suæ vitæ tam oblitus ut fabulas et tragœdias quas fecerat suas non crediderit esse et sane pro infante adulto haberi potuisset si vernaculæ etiam linguæ fuisset oblitus. Et si hoc incredibile videtur, quid de infantibus dicemus? Quorum naturam homo provectæ ætatis a sua tam diversam esse credit ut persuaderi non posset se unquam infantem fuisse nisi ex aliis de se conjecturam faceret. Sed ne superstitiosis materiam suppeditem movendi novas quæstiones, malo hæc in medio relinquere.


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Références

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