E4 Proposition 37 Scolie 1
Scolie
Qui s’efforce à cause du seul affect de faire que les autres aiment ce qu’il aime lui-même et que ces autres vivent suivant sa propre complexion, celui-là agit par impulsion seulement; et pour cette raison il est odieux, surtout aux yeux de ceux qui ont d’autres penchants et qui eux aussi s’efforcent avec application de faire que les autres vivent, au contraire, selon leur complexion à eux. Ensuite, comme le souverain bien que les êtres humains recherchent par affect, est souvent tel que l’un d’entre eux seulement peut le posséder, il en résulte que ceux qui aiment n’ont pas la mens cohérente avec elle-même, et que, lorsqu’ils se réjouissent de chanter les louanges de la chose qu’ils aiment, ils craignent d’être crus. Mais celui qui s’efforce de conduire les autres par raison agit non par impulsion, mais humainement et avec bienveillance et a la mens au plus haut point cohérente avec elle-même.
Pour aller plus loin, tout ce que nous désirons et faisons, dont nous sommes cause en tant que nous avons l’idée de la substance-dieu, autrement dit en tant que nous connaissons la substance-dieu, je le rapporte à la religion. Quant au désir de bien agir qui est issu de ce que nous vivons sous la conduite de la raison, je le nomme piété. Ensuite, le désir par lequel un être humain qui vit sous la conduite de la raison est tenu de se joindre aux autres d’amitié, je le nomme honnêteté; et je nomme honnête ce que louent les êtres humains qui vivent sous la conduite de la raison et au contraire honteux ce qui empêche l’amitié de s’établir.
Outre cela, j’ai aussi montré quels sont les fondements de la Cité. Ensuite la différence entre la vraie vertu et l’impuissance se perçoit facilement à partir de ce qui vient d’être dit: la vraie force d’agir n’est rien d’autre que le fait de vivre sous la seule conduite de la raison; et ainsi l’impuissance consiste en cela seul que l’humain se laisse conduire par les choses qui lui sont extérieures, et qu’il est déterminé à faire ce qu’exige l’état commun des choses extérieures et non pas ce qu’exige sa propre nature considérée en soi seule.
Et voilà ce que j’ai promis de démontrer dans E4p18s; il apparaît par là que la loi qui interdit de tuer les animaux est fondée sur une vaine superstition et sur une miséricorde féminine plutôt que sur la saine raison. La raison qui engage à chercher son utile propre enseigne certes à s’unir par des liens d’amitié aux êtres humains, mais non pas aux animaux ou aux choses, dont la nature est différente de la nature humaine; et elle enseigne que nous avons à l’égard des animaux le même droit qu’ils ont à notre égard. Bien plus, puisque le droit de chacun se définit par sa force d’agir ou sa puissance, les êtres humains ont beaucoup plus de droit sur les animaux que les animaux n’en ont sur les êtres humains. Et pourtant je ne nie pas que les animaux sentent, mais je nie que pour cette raison il ne nous soit pas permis de veiller à notre utilité et de nous servir des animaux comme il nous convient le mieux, puisque leur nature ne s’accorde pas avec la nôtre et que leurs affects diffèrent en nature des affects humains (E3p57s). Il me reste à expliquer ce que sont le juste, l’injuste, le péché et enfin le mérite. Mais sur ces points voir le scolie suivant.
Texte latin
Qui ex solo affectu conatur ut reliqui ament quod ipse amat et ut reliqui ex suo ingenio vivant, solo impetu agit et ideo odiosus est præcipue iis quibus alia placent quique propterea etiam student et eodem impetu conantur ut reliqui contra ex ipsorum ingenio vivant. Deinde quoniam summum quod homines ex affectu appetunt bonum sæpe tale est ut unus tantum ejus possit esse compos, hinc fit ut qui amant mente sibi non constent et dum laudes rei quam amant narrare gaudent, timeant credi. At qui reliquos conatur ratione ducere, non impetu sed humaniter et benigne agit et sibi mente maxime constat. Porro quicquid cupimus et agimus cujus causa sumus quatenus Dei habemus ideam sive quatenus Deum cognoscimus, ad religionem refero. Cupiditatem autem bene faciendi quæ eo ingeneratur quod ex rationis ductu vivimus, pietatem voco. Cupiditatem deinde qua homo qui ex ductu rationis vivit, tenetur ut reliquos sibi amicitia jungat, honestatem voco et id honestum quod homines qui ex ductu rationis vivunt, laudant et id contra turpe quod conciliandæ amicitiæ repugnat. Præter hæc civitatis etiam quænam sint fundamenta ostendi. Differentia deinde inter veram virtutem et impotentiam facile ex supra dictis percipitur nempe quod vera virtus nihil aliud sit quam ex solo rationis ductu vivere atque adeo impotentia in hoc solo consistit quod homo a rebus quæ extra ipsum sunt, duci se patiatur et ab iis ad ea agendum determinetur quæ rerum externarum communis constitutio, non autem ea quæ ipsa ipsius natura in se sola considerata postulat. Atque hæc illa sunt quæ in scholio propositionis 18 hujus partis demonstrare promisi, ex quibus apparet legem illam de non mactandis brutis magis vana superstitione et muliebri misericordia quam sana ratione fundatam esse. Docet quidem ratio nostrum utile quærendi necessitudinem cum hominibus jungere sed non cum brutis aut rebus quarum natura a natura humana est diversa sed idem jus quod illa in nos habent, nos in ea habere. Imo quia uniuscujusque jus virtute seu potentia uniuscujusque definitur, longe majus homines in bruta quam hæc in homines jus habent. Nec tamen nego bruta sentire sed nego quod propterea non liceat nostræ utilitati consulere et iisdem ad libitum uti eademque tractare prout nobis magis convenit quandoquidem nobiscum natura non conveniunt et eorum affectus ab affectibus humanis sunt natura diversi (vide scholium propositionis 57 partis III). Superest ut explicem quid justum, quid injustum, quid peccatum et quid denique meritum sit. Sed de his vide sequens scholium.
Ascendances
Descendances
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E4 Proposition 45 Corollaire 2
E4 Proposition 58
E4 Chapitre 15
E4 Chapitre 25
E5 Proposition 4 Scolie
Références
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