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E1 Proposition 11 scolie

Scolie

Dans cette dernière démonstration, j’ai voulu montrer a posteriori l’existence de la substance-dieu, pour que la démonstration fût plus facile à apercevoir ; ce n’est point parce que l’existence de la substance-dieu ne suivrait pas a priori de ce même principe fondamental. Car, puisque pouvoir exister est puissance, il s’ensuit que plus il y a de réalité qui revient à la nature d’une chose, plus elle a par elle-même de forces pour exister. Et ainsi un être absolument infini, autrement dit la substance-dieu, a par lui-même une puissance absolument infinie d’exister, et pour cette raison elle existe absolument.
Beaucoup pourtant auront peut-être du mal à voir l’évidence de cette démonstration, habitués qu’ils sont à se représenter seulement les choses qui proviennent de causes extérieures: parmi ces choses, ils voient celles qui se font vite, c’est-à-dire celles qui existent facilement, périr aussi facilement; et à l’inverse ils considèrent comme plus difficiles à faire, c’est-à-dire comme ayant moins de facilité à exister, les choses qu’ils conçoivent comme plus riches et propriétés. Pour les délivrer de ces préjugés, je n’ai pas besoin de faire voir ici dans quelle mesure est vrai l’adage vite fait vite défait ni non plus si, au regard de la nature tout entière, tout est également facile ou non. Il suffit de remarquer simplement que je parle ici non pas des choses qui proviennent de causes extérieures mais des seules substances, lesquelles (E1p6) ne peuvent être produites par aucune cause extérieure. En effet, pour les choses qui proviennent de causes extérieures, que ces choses comportent beaucoup ou peu de parties, elles doivent tout ce qu’elles possèdent de perfection, autrement dit de réalité, à la vertu d’une cause extérieure, et ainsi leur existence tire son origine de la seule perfection d’une cause extérieure et non pas de la leur. Au contraire, tout ce qu’une substance a de perfection n’est dû à aucune cause extérieure: voilà pourquoi son existence, elle aussi, doit suivre de sa seule nature, et par suite n’est rien d’autre que son essence. La perfection ne supprime donc pas l’existence d’une chose, au contraire elle la pose. À l’inverse, c’est l’imperfection qui la supprime. Et ainsi nous ne pouvons être certains de l’existence d’aucune chose plus que de l’existence d’un être absolument infini ou parfait, c’est-à-dire de la substance-dieu. Car dès lors que son essence exclut tout imperfection et implique l’absolue perfection, elle supprime du même coup toute cause qui ferait douter de son existence et elle en donne la certitude la plus haute; ce qui, je crois, sera clair si l’on y fait un peu attention.


Texte latin

In hac ultima demonstratione Dei existentiam a posteriori ostendere volui ut demonstratio facilius perciperetur; non autem propterea quod ex hoc eodem fundamento Dei existentia a priori non sequatur. Nam cum posse existere potentia sit, sequitur quo plus realitatis alicujus rei naturæ competit eo plus virium a se habere ut existat adeoque Ens absolute infinitum sive Deum infinitam absolute potentiam existendi a se habere, qui propterea absolute existit. Multi tamen forsan non facile hujus demonstrationis evidentiam videre poterunt quia assueti sunt eas solummodo res contemplari quæ a causis externis fiunt et ex his quæ cito fiunt hoc est quæ facile existunt, eas etiam facile perire vident et contra eas res factu difficiliores judicant hoc est ad existendum non adeo faciles ad quas plura pertinere concipiunt. Verum ut ab his præjudiciis liberentur, non opus habeo hic ostendere qua ratione hoc enunciatum “quod cito fit cito perit” verum sit nec etiam an respectu totius naturæ omnia æque facilia sint an secus. Sed hoc tantum notare sufficit me hic non loqui de rebus quæ a causis externis fiunt sed de solis substantiis, quæ (per propositionem 6) a nulla causa externa produci possunt. Res enim quæ a causis externis fiunt, sive eæ multis partibus constent sive paucis, quicquid perfectionis sive realitatis habent, id omne virtuti causæ externæ debetur adeoque earum existentia ex sola perfectione causæ externæ, non autem suæ oritur. Contra quicquid substantia perfectionis habet, nulli causæ externæ debetur; quare ejus etiam existentia ex sola ejus natura sequi debet, quæ proinde nihil aliud est quam ejus essentia. Perfectio igitur rei existentiam non tollit sed contra ponit; imperfectio autem contra eandem tollit adeoque de nullius rei existentia certiores esse possumus quam de existentia Entis absolute infiniti seu perfecti hoc est Dei. Nam quandoquidem ejus essentia omnem imperfectionem secludit absolutamque perfectionem involvit, eo ipso omnem causam dubitandi de ipsius existentia tollit summamque de eadem certitudinem dat, quod mediocriter attendenti perspicuum fore credo. ​


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