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E2 Proposition 40 Scolie 2

Scolie

Par tout ce qui a été dit ci-dessus il apparaît clairement que nous percevons nombre de choses et que nous formons des notions universelles :
1° À partir de choses singulières qui se représentént à nous par l’entremise des sens de façon mutilée, confuse et sans ordre pour la compréhension (E2p29c) ; et c’est pourquoi j’ai coutume d’appeler de telles perceptions connaissance par expérience errante ;
2° À partir des signes, par exemple de ce que, ayant entendu ou lu certains mots, nous nous souvenons de choses et en formons certaines idées semblables à celles par l’entremise desquelles nous imaginons les choses (E2p18s). L’une et l’autre manière de contempler les choses, je l’appellerai dans la suite  connaissance du premier genre, opinion ou imagination ;
3° Enfin, de ce que nous avons des notions communes et des idées adéquates des propriétés des choses (E2p38c, E2p39, E2p39c et E2p40); et j’appellerai cela Raison ou second genre de connaissance.

Outre ces deux genres de connaissance, il y en a encore un troisième, comme je le montrerai dans la suite, que nous appellerons science intuitive. Et ce genre de connaissance procède de l’idée adéquate de l’essence formelle de certains attributs de la substance-dieu vers la connaissance adéquate de l’essence des choses. J’expliquerai tout cela par l’exemple d’une seule chose. Étant donnés par exemple trois nombres, on veut en obtenir un quatrième qui soit au troisième comme le deuxième au premier. Les marchands n’hésiteront pas à multiplier le deuxième par le troisième et à diviser le produit par le premier, parce qu’ils n’ont pas encore livré à l’oubli ce qu’ils ont entendu dire par un maître sans aucune démonstration, ou bien parce qu’ils ont souvent essayé cela sur les nombres les plus simples, ou bien par la force de la démonstration de la proposition 19 du livre 7 d’Euclide, à savoir à partir d’une propriété commune des nombres proportionnels. Mais pour les nombres les plus simples il n’est pas besoin de cela. Par exemple, étant donné les nombres 1, 2, 3, il n’est personne qui ne voie que le quatrième nombre proportionnel est 6, et cela bien plus clairement parce que c’est du rapport même que nous voyons d’un seul coup d’oeil qu’a le premier avec le deuxième, nous concluons le quatrième.


Texte latin

Ex omnibus supra dictis clare apparet nos multa percipere et notiones universales formare I° ex singularibus nobis per sensus mutilate, confuse et sine ordine ad intellectum repræsentatis (vide corollarium propositionis 29 hujus) et ideo tales perceptiones cognitionem ab experientia vaga vocare consuevi. II° ex signis exempli gratia ex eo quod auditis aut lectis quibusdam verbis rerum recordemur et earum quasdam ideas formemus similes iis per quas res imaginamur (vide scholium propositionis 18 hujus). Utrumque hunc res contemplandi modum cognitionem primi generis, opinionem vel imaginationem in posterum vocabo. III° denique ex eo quod notiones communes rerumque proprietatum ideas adæquatas habemus (vide corollarium propositionis 38 et propositionem 39 cum ejus corollario et propositionem 40 hujus) atque hunc rationem et secundi generis cognitionem vocabo. Præter hæc duo cognitionis genera datur, ut in sequentibus ostendam, aliud tertium quod scientiam intuitivam vocabimus. Atque hoc cognoscendi genus procedit ab adæquata idea essentiæ formalis quorundam Dei attributorum ad adæquatam cognitionem essentiæ rerum. Hæc omnia unius rei exemplo explicabo. Dantur exempli gratia tres numeri ad quartum obtinendum qui sit ad tertium ut secundus ad primum. Non dubitant mercatores secundum in tertium ducere et productum per primum dividere quia scilicet ea quæ a magistro absque ulla demonstratione audiverunt, nondum tradiderunt oblivioni vel quia id sæpe in numeris simplicissimis experti sunt vel ex vi demonstrationis propositionis 19 libri 7 Euclidis nempe ex communi proprietate proportionalium. At in numeris simplicissimis nihil horum opus est. Exempli gratia datis numeris 1, 2, 3, nemo non videt quartum numerum proportionalem esse 6 atque hoc multo clarius quia ex ipsa ratione quam primum ad secundum habere uno intuitu videmus, ipsum quartum concludimus.​


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