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E4 Proposition 45 Corollaire 2 Scolie

Scolie

Entre la dérision (que, dans E4p45c1, j’ai dit être mauvaise) et le rire je reconnais une grande différence. En effet le rire, comme la plaisanterie, est une pure joie ; et ainsi, pourvu qu’il soit sans excès, il est bon par soi (E4p41). Assurément, seule une torve et triste superstition interdit de se réjouir. En effet en quoi est-il plus convenable d’apaiser la faim et la soif que de chasser la mélancolie ? Tel est mon principe, telle est la règle de conduite que j’ai adoptée. Nulle divinité, nul autre qu’un envieux, ne se réjouit de mon impuissance et de ma peine, ni ne tient pour vertu nos larmes, nos sanglots, nos craintes et autres choses de cette sorte, qui sont les signes d’un cœur impuissant ; mais au contraire, plus grande est la joie qui nous affecte, plus grande est la perfection à laquelle nous passons, c’est-à-dire plus il est nécessaire que nous participions à la nature substantielle. C’est pourquoi il est d’un être humain sage d’user des choses et de s’en réjouir autant qu’il est possible (non pas certes jusqu’à la nausée, car cela n’est pas se réjouir). Il est d’un être humain sage, dis-je, de refaire ses forces et de se récréer par des aliments et de la boisson modérés et agréables, ainsi que par les parfums, le charme des plantes verdoyantes, la parure, la musique, les jeux qui exercent le corps, le théâtre, et d’autres choses de même sorte dont chacun peut user sans dommage pour autrui. Le corps humain en effet se compose de nombreuses parties de nature différente, qui ont besoin continuellement d’aliments nouveaux et variés, de sorte que le corps tout entier puisse être également apte à toutes les choses qui peuvent suivre de sa nature, et par conséquent que l’âme aussi soit également apte à comprendre plusieurs choses à la fois. C’est pourquoi cette manière de vivre s’accorde au mieux avec nos principes et avec la pratique commune ; donc, même s’il en est d’autres, cette règle de vie est la meilleure et doit être recommandée de toute façon et il n’est pas besoin d’en traiter plus clairement ni avec plus de prolixité.


Texte latin

Inter irrisionem (quam in I corollario malam esse dixi) et risum magnam agnosco differentiam. Nam risus ut et jocus mera est lætitia adeoque modo excessum non habeat, per se bonus est (per propositionem 41 hujus). Nihil profecto nisi torva et tristis superstitio delectari prohibet. Nam qui magis decet famem et sitim extinguere quam melancholiam expellere? Mea hæc est ratio et sic animum induxi meum. Nullum numen nec alius nisi invidus mea impotentia et incommodo delectatur nec nobis lacrimas, singultus, metum et alia hujusmodi quæ animi impotentis sunt signa, virtuti ducit sed contra quo majore lætitia afficimur eo ad majorem perfectionem transimus hoc est eo nos magis de natura divina participare necesse est. Rebus itaque uti et iis quantum fieri potest delectari (non quidem ad nauseam usque nam hoc delectari non est) viri est sapientis. Viri inquam sapientis est moderato et suavi cibo et potu se reficere et recreare ut et odoribus, plantarum virentium amœnitate, ornatu, musica, ludis exercitatoriis, theatris et aliis hujusmodi quibus unusquisque absque ullo alterius damno uti potest. Corpus namque humanum ex plurimis diversæ naturæ partibus componitur quæ continuo novo alimento indigent et vario ut totum corpus ad omnia quæ ex ipsius natura sequi possunt, æque aptum sit et consequenter ut mens etiam æque apta sit ad plura simul intelligendum. Hoc itaque vivendi institutum et cum nostris principiis et cum communi praxi optime convenit; quare si quæ alia, hæc vivendi ratio optima est et omnibus modis commendanda nec opus est de his clarius neque prolixius agere.


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Références

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