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E4 Proposition 58 Scolie

Scolie

Ce qu’on appelle la vaine gloire est une satisfaction de soi-même qui n’est entretenue que par l’opinion de la foule ; et lorsque cette opinion cesse, cesse cette satisfaction, c’est-à-dire (E4p52s) le souverain bien que chacun aime ; d’où il arrive que celui qui se glorifie de l’opinion de la foule, hanté par un souci quotidien, multiplie les efforts, les gestes, les épreuves pour conserver sa réputation. Car la foule est variable et inconstante, et ainsi, si la réputation n’est pas entretenue, elle disparaît vite ; bien plus, puisque tous désirent capter les applaudissements de la foule, chacun combat facilement la réputation de l’autre ; comme on rivalise pour ce que l’on estime le souverain bien, naît une intense pulsion de s’opprimer mutuellement de toutes les façons possibles, et qui à la fin en sort vainqueur se glorifie plus d’avoir nui à autrui que d’avoir servi son propre intérêt. Cette gloire ou cette satisfaction sont donc en réalité vaines, parce qu’elles n’en sont pas.

Ce qu’il faut remarquer quant à la honte se conclut facilement de ce que nous avons dit sur la miséricorde et le repentir. J’ajoute seulement ceci : comme la pitié, la honte, bien qu’elle ne soit pas une force d’agir (vertu), est cependant bonne dans la mesure où elle indique chez l’être humain qui en est imprégné un désir de vivre honorablement, de même que la douleur a été dite bonne dans la mesure où elle indique que la partie blessée n’est pas encore pourrie ; bien que l’être humain qui a honte d’une de ses actions soit en réalité triste, il est cependant plus parfait que l’impudent qui n’a aucun désir de vivre honorablement.

Et voilà ce que j’avais résolu de faire remarquer au sujet des affects de joie et de tristesse. Quant aux désirs, ils sont assurément bons ou mauvais selon qu’ils naissent d’affects bons ou mauvais. Mais tous, en réalité, en tant qu’ils sont engendrés en nous par des affects qui sont des passions, sont aveugles (comme on le conclut facilement de ce que nous avons dit E4p44s) et ils ne seraient d’aucun usage si les êtres humains pouvaient facilement être conduits à vivre selon le seul commandement de la raison, comme je vais le montrer rapidement.


Texte latin

Vana quæ dicitur gloria est acquiescentia in se ipso quæ sola vulgi opinione fovetur eaque cessante cessat ipsa acquiescentia hoc est (per scholium propositionis 52 hujus) summum bonum quod unusquisque amat; unde fit ut qui vulgi opinione gloriatur, quotidiana cura anxius nitatur, faciat, experiatur ut famam conservet. Est namque vulgus varius et inconstans atque adeo nisi conservetur fama, cito abolescit; imo quia omnes vulgi captare applausus cupiunt, facile unusquisque alterius famam reprimit, ex quo quandoquidem de summo quod æstimatur bono certatur, ingens libido oritur se invicem quocunque modo opprimendi et qui tandem victor evadit, gloriatur magis quod alteri obfuit quam quod sibi profuit. Est igitur hæc gloria seu acquiescentia revera vana quia nulla est.  Quæ de pudore notanda sunt, colliguntur facile ex iis quæ de misericordia et pœnitentia diximus. Hoc tantum addo quod ut commiseratio sic etiam pudor quamvis non sit virtus, bonus tamen est quatenus indicat homini qui pudore suffunditur, cupiditatem inesse honeste vivendi, sicut dolor qui eatenus bonus dicitur quatenus indicat partem læsam nondum esse putrefactam; quare quamvis homo quem facti alicujus pudet, revera sit tristis, est tamen perfectior impudenti qui nullam habet honeste vivendi cupiditatem.
​Atque hæc sunt quæ de affectibus lætitiæ et tristitiæ notare susceperam. Ad cupiditates quod attinet, hæ sane bonæ aut malæ sunt quatenus ex bonis aut malis affectibus oriuntur. Sed omnes revera quatenus ex affectibus qui passiones sunt in nobis ingenerantur, cæcæ sunt (ut facile colligitur ex iis quæ in scholio propositionis 44 hujus diximus) nec ullius usus essent si homines facile duci possent ut ex solo rationis dictamine viverent, ut jam paucis ostendam.

Ascendances

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Références

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