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E3 Proposition 52 Scolie

Scolie

Cette affection de la mens, autrement dit cette imagination d’une chose singulière en tant qu’elle se trouve seule dans la mens, s’appelle l’admiration; et si elle est émue par un objet que nous craignons, on la nomme épouvante, parce que l’admiration devant un mal tien l’être humain tellement suspendu dans la seule représentation de ce mal, qu’il n’est pas capable de penser à d’autres choses, au moyen desquelles il aurait pu éviter ce mal. Mais si l’objet de notre admiration est la prudence d’un être humain, son activité ou quelque chose de ce genre, comme de ce fait même nous nos représentons que cet être humain l’emporte de beaucoup sur nous, l’admiration s’appelle alors de la vénération, et dans d’autres cas de l’horreur, si c’est sa colère, son caractère envieux, etc., qui nous étonnent. En second lieu, si nous admirons la prudence, l’activité etc. d’un être humain que nous aimons, l’amour de même coup (E3p12) en sera plus grand; et cet amour qui se joint à l’admiration, autrement dit à la vénération, nous l’appelons de la dévotion. De la même façon, nous pouvons concevoir aussi haine, espoir, assurance et autres affects joints à l’admiration; et nous pourrons déduire ainsi plus d’affects que l’usage n’a de mots reçus pour les désigner. Ce qui montre bien que les noms des affects ont été tirés plutôt de l’usage que la foule en fait que de leur exacte connaissance.
À l’admiration s’oppose le mépris, dont la cause est pourtant le plus souvant la suivante: de ce que nous voyons quelqu’un admirer, aimer, craindre etc. quelque chose, ou encore de ce qu’une certaine chose à première vue paraît semblable aux choses que nous admirons, aimons, craignons etc., nous sommes (E3p15, E3p15c et E3p27) déterminés à admirer cette chose, à l’aimer, à la craindre etc. Mais si la présence de la chose même, ou une représentation plus exacte, nous forcent à en nier tout ce qui peut causer admiration, amour, crainte etc., alors la mens, par la présence même de la chose, demeure déterminée à penser plutôt à ce qui n’est pas dans l’objet qu’à ce qui y est – alors que pourtant la présence de l’objet a coutume, à l’inverse, de la faire penser principalemen à ce qui est dans l’objet. Poursuivons: tout comme la dévotion naît de l’admiration pour une chose que nous aimons, la dérison naît du mépris pour une chose que nous haïssons ou craignons; et le dédain naît du mépris pour la sottise, tout comme la vénération de l’admiration pour la sagesse. Nous pouvons enfin concevoir amour, espoir, gloire et autres affects joints avec du mépris, et en déduire d’autres affects supplémentaires sans avoir non plus, d’ordinaire, de mot particulier pour les distinguer des autres.


Texte latin

Hæc mentis affectio sive rei singularis imaginatio quatenus sola in mente versatur, vocatur admiratio, quæ si ab objecto quod timemus moveatur, consternatio dicitur quia mali admiratio hominem suspensum in sola sui contemplatione ita tenet ut de aliis cogitare non valeat quibus illud malum vitare posset. Sed si id quod admiramur sit hominis alicujus prudentia, industria vel aliquid hujusmodi, quia eo ipso hominem nobis longe antecellere contemplamur, tum admiratio vocatur veneratio; alias horror si hominis iram, invidiam etc. admiramur. Deinde si hominis quem amamus prudentiam, industriam etc. admiramur, amor eo ipso (per propositionem 12 hujus) major erit et hunc amorem admirationi sive venerationi junctum devotionem vocamus. Et ad hunc modum concipere etiam possumus odium, spem, securitatem et alios affectus admirationi junctos atque adeo plures affectus deducere poterimus quam qui receptis vocabulis indicari solent. Unde apparet affectuum nomina inventa esse magis ex eorum vulgari usu quam ex eorundem accurata cognitione. Admirationi opponitur contemptus cujus tamen causa hæc plerumque est quod scilicet ex eo quod aliquem rem aliquam admirari, amare, metuere etc. videmus vel ex eo quod res aliqua primo aspectu apparet similis rebus quas admiramur, amamus, metuimus etc. (per propositionem 15 cum ejus corollario et propositionem 27 hujus) determinamur ad eandem rem admirandum, amandum, metuendum etc. Sed si ex ipsius rei præsentia vel accuratiore contemplatione, id omne de eadem negare cogamur quod causa admirationis, amoris, metus etc. esse potest, tum mens ex ipsa rei præsentia magis ad ea cogitandum quæ in objecto non sunt quam quæ in ipso sunt, determinata manet cum tamen contra ex objecti præsentia id præcipue cogitare soleat quod in objecto est. Porro sicut devotio ex rei quam amamus admiratione sic irrisio ex rei quam odimus vel metuimus contemptu oritur et dedignatio ex stultitiæ contemptu sicuti veneratio ex admiratione prudentiæ. Possumus denique amorem, spem, gloriam et alios affectus junctos contemptui concipere atque inde alios præterea affectus deducere quos etiam nullo singulari vocabulo ab aliis distinguere solemus.


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Références

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